Page:Bréal - Essai de Sémantique.djvu/262

Cette page a été validée par deux contributeurs.
246
COMMENT S’EST FORMÉE LA SYNTAXE.

qui marque la distance, la longueur, celui qui indique le but… La diversité est assez grande. Un de nos premiers linguistes, renonçant à trouver l’idée essentielle, déclare qu’il est tenté d’appliquer à l’accusatif ce que les grammairiens indous disent du génitif : savoir, qu’il est de mise en toutes les occasions où l’on ne pourrait correctement employer aucun des autres cas. La recherche de l’idée première ne nous paraît cependant pas si difficile…

Si nous pouvons trouver quelque part l’accusatif employé seul, sans aucun accompagnement, nous avons chance d’être renseigné par là sur la signification originaire. Le latin a précisément un emploi où l’accusatif se suffit à lui-même.

C’est dans la langue officielle, laquelle varie plus lentement et garde plus longtemps les archaïsmes, que nous rencontrons cet emploi. Voici le commencement de l’inscription d’une pierre milliaire de l’Italie méridionale[1] :

HINCE SVNT NOVCERIAM MEILIA L CAPVAM XXCIII MVRANVM LXXIIII COSENTIAM CXXIII VALENTIAM CLXXX

Les accusatifs Nouceriam, Capuam, Muranum, Cosentiam, Valentiam, accompagnés chaque fois d’un chiffre, marquent la distance de la borne milliaire à ces villes. L’accusatif est donc employé ici comme cas du lieu vers lequel on se dirige.

  1. Corpus Inscriptionum latinarum, I, no 551.