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L’ORDRE DES MOTS.

cuens et conte, ber et baron, et certains noms propres, comme Jacques et Jacque, Hugues et Hugon. Tandis que ces différences de flexion ont fini par être omises, l’ordre des mots n’a fait que se fortifier.


La question de l’ordre des mots n’est jamais soulevée sans qu’à la suite il en vienne une autre : est-ce un avantage, est-ce une gêne, d’avoir une construction fixe et invariable ? On a vanté la liberté du latin et du grec, qui permet de jeter en avant ou de réserver pour la fin le mot sur lequel on veut attirer l’attention, diriger la lumière. Mais, pour être juste, il faut reconnaître que les langues les plus tenues à un certain ordre ne sont pas pour cela absolument enchaînées. Peut-être même l’inversion fait-elle d’autant plus d’effet qu’elle rompt davantage avec les habitudes de tous les jours.

Ce qui est certain, c’est qu’un ordre réglé à l’avance est un soulagement, sinon pour celui qui écrit ou qui parle, du moins pour celui qui lit ou qui écoute. À lire une ode d’Horace, où l’adjectif est souvent fort loin de son substantif, un discours de Cicéron, où le mot essentiel ne vient qu’à la fin de toute une période, nous sentons qu’en français les choses nous sont rendues plus aisées. Il est probable que le genre de la déclamation venait en aide à l’in-