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COMMENT S’EST FORMÉE LA SYNTAXE.

faire penser que nous sommes en présence de l’œuvre des siècles. En effet, les langues anciennes, si supérieures par d’autres côtés, n’offrent rien de semblable.

Ici se pose une question dont l’analogue se présente souvent dans l’histoire des langues, et, en général, dans l’histoire des choses humaines. Est-ce la perte des flexions qui a eu pour conséquence, en manière de compensation et de pis-aller, la rigueur croissante de la construction, ou bien une construction plus régulière a-t-elle rendu les flexions inutiles ? La réponse est celle qu’on a l’occasion de faire le plus souvent aux dilemmes de ce genre : l’un et l’autre. À mesure que ces flexions se décomposaient, la nécessité d’un ordre fixe se faisait sentir davantage, et d’autre part l’habitude de cet ordre fixe a achevé de faire tomber les flexions. On peut supposer que les actes officiels, tels que chartes, diplômes, actes publics ou privés, contrats de toute nature, où il était plus important d’éviter toute équivoque, ont les premiers introduit l’habitude d’une construction uniforme, de même que ces actes officiels (il n’y a là nulle contradiction) ont cherché à retenir le plus longtemps les désinences. Les deux moyens, employés simultanément, devaient concourir au même but. Ainsi s’explique le maintien de la déclinaison à deux cas pour certains noms de parenté, comme fils et fil, enfes et enfant, pour certains titres comme