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LA CONTAGION.

à se perdre, et comme la moindre dérogation au train ordinaire leur est un prétexte pour se maintenir, le changement en question ne s’est imposé qu’avec la construction la plus fréquente, celle que nous sommes habitués à considérer comme la construction normale. Partout ailleurs, la langue se montre fidèle à l’ancienne grammaire.


Je veux encore montrer par un autre exemple la force de la contagion.

D’où vient l’idée conditionnelle qu’éveille en français, et qu’éveillait déjà en latin la conjonction si ? Pour nous l’expliquer, il faut nous transporter beaucoup de siècles en arrière.

La particule latine si était primitivement un adverbe signifiant « de cette façon, en cette manière ». L’idée conditionnelle y est entrée par le voisinage du subjonctif ou de l’optatif. La vieille formule des invocations et des vœux : Si hæc, Dii, faxitis, tire sa signification hypothétique du verbe[1]. Le sens était d’abord le même que s’il y avait eu : Sic, Dii, hæc faxitis[2]. La seconde proposition vient ensuite énoncer un second fait, conséquence du premier : Ædem

  1. En une langue plus moderne, si hæc, Dii, feceritis.
  2. L’adverbe sic n’est pas autre chose que si accompagné de l’enclitique que nous avons dans nunc, tunc.