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COMMENT S’EST FORMÉE LA SYNTAXE.

demorior le sont devenus également. Nous trouvons chez les poètes comiques : Is amore illam deperit.


Toutes les langues anciennes n’en sont pas encore, à cet égard, au même point. Le grec a conservé plus longtemps que le latin le sentiment de la valeur des cas. Ainsi un certain nombre de verbes grecs prennent après eux le génitif.

C’est à cause de l’idée partitive exprimée par le génitif qu’on le trouve employé avec les verbes signifiant « manger, boire ». Nous disons de même en français : « boire du vin », et non « boire le vin ». Πίνειν οἴνου, ὕδατος, γάλακτος est la construction habituelle. Pour une raison semblable on a le génitif avec les verbes signifiant « goûter, toucher, prendre, obtenir[1] ». Quand Thétis, implorant Zeus, lui touche le menton, le poète dit : καὶ ἔλλαβε χειρὶ γενείου. Toujours pour le même motif, le génitif est employé avec les verbes signifiant « désirer », comme ἴεσθαι, ὀρέγεσθαι, ἐπιθυμεῖν[2]. Hector est pris du désir d’embrasser son enfant :

Ὣς εἰπὼν οὗ παιδὸς ὀρέξατο φαίδιμος Ἕκτωρ.

Les verbes qui marquent l’activité des organes,

  1. Θιγγάνειν, ψαύειν, τυγχάνειν.
  2. C’est ce qu’ont méconnu d’excellents grammairiens, qui ont préféré supposer une ellipse. Ainsi Kühner (§ 415) explique ἐπιθυμῶ τῆς σοφίας par ἐπιθυμῶ ἐπιθυμίαν τῆς σοφίας.