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LA FORCE TRANSITIVE.

un certain cas est considéré comme le cas complément par excellence. On avait dit d’abord avec l’accusatif : petimus urbem, parce que l’accusatif marque le lieu vers lequel on se dirige. Mais, l’analogie aidant, on a dit aussi : linquimus urbem, fugimus urbem, en sorte que l’accusatif, de cas local qu’il était, est devenu cas grammatical. Rien ne pouvait être plus destructif de la valeur originaire des désinences.

Sequor signifiait littéralement « je m’attache » : il correspond au grec ἕπομαι qui prend après lui le datif. Mais on a dit : sequi feras, sequi virtutem. — Meditor signifie « je m’exerce » : il correspond au grec μελετῶμαι, dont il est la copie plus ou moins exacte. Mais on a dit meditari versus, meditari artem citharœdicam[1].

Une fois le type du verbe transitif adopté, il se multiplie rapidement. Des verbes comme dolere, flere, tremere, qui, par nature, sembleraient devoir rester sans complément, se construisent couramment avec l’accusatif : Tuam vicem doleo. — Flebunt Germanicum etiam ignoti. — Te Stygii tremuere lacus. L’esprit d’imitation peut aller fort loin en ce genre. Amo étant devenu verbe transitif, ardeo, pereo, depereo,

  1. Meditor, meditatio, sont des termes d’école ou de gymnase venus de Grèce en Italie : ils représentent le grec μελετᾶν, μελέτη, μελέτημα. Un exercice militaire s’appelait meditatio campestris ; un exercice oratoire, meditatio rhetorica. Virgile emploie le mot comme verbe neutre et au sens propre quand il dit : meditantem in prœlia taurum.