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LA FORCE TRANSITIVE.

Homère (Il., XV, 282) emploie le participe ἐπιστάμενος avec le datif :

Τοῖσι δ’ ἔπειτ’ ἀγόρευε Θόας, Ἀνδραίμονος υἱός,
Αἰτωλῶν ὄχ’ ἄριστος, ἐπιστάμενος μὲν ἄκοντι,
Ἐσθλὸς δ’ ἐν σταδίῃ.

« Iis autem concionatus est Thoas, Andræmonis filius,
Ætolorum longe præstantissimus, peritus quidem jaculi,
Strenuus etiam in stataria. »

Les commentateurs proposent de sous-entendre μάρνασθαι. Mais cela n’est point nécessaire ; on pourrait traduire en allemand sans ellipse : sich auf den Wurfspiess verstehend.

Il n’y avait plus dès lors qu’un pas à faire pour dire, comme on le trouve déjà dans Homère : ἀνὴρ φόρμιγγος ἐπιστάμενος καὶ ἀοιδῆς, ou encore ἐπιστάμενοι πολέμοιο. Enfin l’on a déjà ἐπίσταμαι avec l’accusatif : πολλὰ δ’ ἐπίστατο ἔργα.

Toute pareille est l’histoire des deux verbes germaniques. L’allemand dit avec l’accusatif : Verstehst du mich ? — Keiner hat die Sache verstanden. Et en anglais : Do you understand me ? — Who has understood the apologue ?

Ces trois exemples montrent de la façon la plus claire que la force transitive ne se borne pas à établir un lien entre le verbe et son complément : elle transforme le sens du verbe.