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COMMENT S’EST FORMÉE LA SYNTAXE.

Nous avons le grec ἵστημι, qui, combiné avec ἐπί, donne ἐπίσταμαι, « savoir », d’où ἐπιστήμη, « l’habileté, la science ».

On a, d’autre part, l’allemand stehen, qui a donné verstehen, « comprendre », d’où Verstand, « intelligence ». Déjà en moyen haut-allemand verstân, et en vieux haut-allemand firstân signifient « comprendre ».

Enfin en anglais on a stand, d’où understand, « comprendre », qui a été précédé de l’anglo-saxon forstandan (même sens).

Pour se rendre compte de ce changement, on doit se rappeler que les premiers arts n’ont pas été enseignés dans les livres : c’étaient des arts pratiques, où il fallait d’abord apprendre l’attitude et la position convenables. Tel a été l’art de lancer le javelot, ou de manier la massue, ou encore l’art de faire jaillir le feu, ou celui de dompter les chevaux. Il faut considérer d’autre part que ἐπίσταμαι est un verbe à forme moyenne, c’est-à-dire un verbe réfléchi : il signifie littéralement « se tenir ». Verstehen, en allemand, est encore souvent un verbe réfléchi. On dit : sich auf etwas verstehen ; er versteht sich auf Astronomie, auf Literatur, auf Politik. Nous voyons dès lors comment un verbe qui signifie « se tenir » peut passer au sens de « savoir » : Er versteht sich auf das Speerwerfen, auf das Pferdebändigen.