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LA FORCE TRANSITIVE.

Une double conséquence est sortie de ce fait : 1o le sens du verbe a été modifié ; 2o la valeur significative des désinences casuelles a été affaiblie.

Nous allons d’abord donner quelques exemples de verbes ayant changé de sens.

La racine pat exprime un mouvement rapide comme celui d’un corps qui tombe ou d’un oiseau qui vole. Elle a fourni en grec πίπτω, « tomber », πέτομαι et ἵπταμαι, « voler ». En latin, elle a donné petulans, impetus, acipiter, præpes, propitius. Mais devenu transitif, le verbe petere a marqué l’élan vers un but (petere loca calidiora, petere solem) et il a fini par marquer une recherche quelconque : petere consulatum, honores. De là petitio, appetitus.

Cette succession de sens est si naturelle que nous la retrouvons dans les autres langues.

Le grec ἱκνέομαι, proche parent de ἥκω et de ἱκάνω, signifie « aller ». Mais construit avec l’accusatif, il passe au sens de « prier ». Je me contenterai de citer ces mots d’Eschyle (Perses, 216) :

Θεοὺς δὲ προστροπαῖς ἱκνουμένη…
Implorant les dieux avec des sacrifices…

Il a donné, en cette acception, le dérivé ἱκέτης, « suppliant », d’où ἱκετεύω, « implorer ».

En sanscrit, le verbe , dont le sens ordinaire est « aller », passe au sens de « prier » s’il est suivi d’un accusatif. Le védique tat tvā jāmi (littéralement « te