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COMMENT S’EST FORMÉE LA SYNTAXE.

est l’origine de cette partie du discours. Un temps est venu pour tous nos idiomes où les cas de la déclinaison, ne paraissant pas assez clairs ou assez précis en eux-mêmes, ont été, par surcroît, escortés d’un adverbe. C’est ainsi que l’ablatif, qui marque par lui-même l’éloignement, a cependant été accompagné de ab ou de ex. L’accusatif, qui marque le lieu où l’on va, a été accompagné de in ou de ad. Ces mots ab, ex, in, ad, étaient des adverbes de lieu, comme on le voit encore pour la plupart d’entre eux en remontant à leur plus ancienne forme et à leur plus ancien emploi. Mais l’habitude de les voir joints à un certain cas a suggéré l’idée d’un rapport de cause à effet : ce petit mot, qui était un simple accompagnement de l’accusatif ou de l’ablatif, parut les régir. Dès lors il les a régis en effet : d’adverbe il devint préposition.

La catégorie de la préposition s’est si bien imprimée en notre esprit comme celle d’un mot qui veut être suivi d’un régime, que nous avons peine à comprendre une préposition employée seule : elle appelle, elle attend « son complément ». Au temps de Plaute et de Térence, præ pouvait encore s’employer comme adverbe[1]. Mais un peu plus tard on ne le trouve plus que suivi d’un ablatif. Les langues romanes, en ceci fidèles continuatrices du latin, ont

  1. Plaute, Amph., I, 3, 45. Abi præ, Sosia ; jam ego sequor. — Térence, Eun., V, 2, 69. I præ : sequor.