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LES NOMS COMPOSÉS.

de spécimen à la qualité marquée par le second terme. Sur ce type, la langue moderne a largement travaillé : on sait que les composés de cette sorte sont en grand nombre. Nous citerons seulement : thurm-hoch, « haut comme une tour », blei-schwer, « lourd comme le plomb », eis-kalt, « froid comme la glace », felsen-fest, « solide comme le rocher », leichen-bleich, « pâle comme un mort », etc. Quelques-uns de ces termes de comparaison ont passé des mots où ils avaient leur raison d’être en d’autres où ils n’ont que faire, et où, avec ou sans intention, ils produisent un effet plus ou moins bizarre. C’est ainsi qu’à cause de stock-fest, « solide comme un tronc », on a dit stock-taub, « sourd comme une bûche », stock-blind, « complètement aveugle », stock-finster, « complètement obscur ». Après avoir dit stein-hart, « dur comme la pierre », on a eu stein-alt, « vieux comme les pierres », stein-müd, « très fatigué », stein-reich, « très riche »[1].


Les langues qui préfèrent la dérivation à la composition sont d’une matière moins docile, elles se prêtent moins facilement à la création de vocables nouveaux, pour lesquels il leur faut non seulement

  1. Au lieu de dire : Es schreit zum Himmel, « cela crie au ciel », l’allemand, par une ellipse dont l’habitude dérobe la hardiesse, peut dire : Es ist himmelschreiend. Il y a eu sans doute amalgame avec les composés comme himmelklar, himmelweit, « clair comme le jour », « loin comme le ciel ».