Page:Bréal - Essai de Sémantique.djvu/191

Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
LES NOMS COMPOSES.

tique et de grammaire qu’on relève dans quelques-uns d’entre eux, comme crucifixus, manifestus, triumvir. Crucifixus a abrégé son premier i. Manifestus a défiguré l’ablatif manū[1]. Triumvir a immobilisé un génitif pluriel, qui avait sa raison d’être dans des locutions comme lis trium virum. Aussitôt que l’esprit réunit en une seule idée deux notions jusque-là séparées, toutes sortes de réductions ou de pétrifications du premier terme deviennent possibles. Mais ce sont des faits accessoires, dont la présence ou l’absence ne change rien au fond des choses. La vraie composition a son critérium dans l’esprit[2].


On a longuement disserté sur l’ordre des termes, qui n’est pas le même dans toutes les langues. C’est beaucoup attacher de valeur à une question d’importance secondaire. L’ordre des termes, à l’intérieur des composés, est généralement déterminé par l’ordre habituel des mots dans la phrase. Legislator, qui est un juxtaposé, est construit selon les habitudes de la langue latine. Signifer, qui est un composé, est pareillement construit comme le seraient les deux mots dans le courant du discours. L’avantage de cet

  1. Festus, participe passé de fendo, « heurter ». Res manifesta est une chose qu’on peut toucher du doigt.
  2. Ces considérations devraient être décisives quand on discute de l’orthographe des noms comme arc-en-ciel, chef-d’œuvre, cul-de-sac, etc. Il n’y a pas de doute qu’il faudrait favoriser l’unification.