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D’UNE CAUSE PARTICULIÈRE DE POLYSÉMIE.

anciennes (pour cette raison fort simple que l’expérience du genre humain est plus longue), nous allons d’abord leur emprunter quelques exemples. Il est vrai que quand ces faits s’offrent à nous dans le présent, ils nous paraissent à peine dignes d’être notés. Cependant ce qui se trouve dans le passé, pour être plus difficile à reconnaître, n’est pas d’une autre nature.


Tout le monde sait que la Chambre, c’est la Chambre des députés ; que quand on parle des membres du Cabinet, il faut entendre le Cabinet des ministres. En présence de ce mot de ministre, nous serions déjà embarrassés, si nous ne savions qu’à Rome, aux temps de l’empire, minister signifiait « serviteur du prince ». À son tour, le prince nous reporte vers un raccourcissement plus ancien, princeps senatūs (« premier du sénat »). C’est ainsi que d’âge en âge les mots assument en eux la signification de compagnons qui ont disparu. Sans cette sorte d’intussusception le langage ne tarderait pas à prendre des développements excessifs.

On a cru remarquer que le pouvoir absolu favorisait tout spécialement la multiplication de ce phénomène, l’idée du souverain mettant en quelque sorte hors de pair tout ce qui le concerne ou