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COMMENT S’EST FIXÉ LE SENS DES MOTS.

einwirken, si souvent employé de la façon la plus abstraite, répond au latin intexere. Et pareillement le latin exprimere qui revient si souvent dans ce livre, est un emprunt fait aux beaux-arts, puisqu’il marque l’idée d’une empreinte : à lui seul, il pourrait nous apprendre, si nous ne le savions déjà, que les anciens connaissaient le travail au repoussé. Beaucoup d’usages abolis se perpétuent dans une locution devenue banale : en disant d’un personnage qu’il est revêtu d’un titre ou d’une dignité, personne ne songe aujourd’hui à l’investiture[1].


Il y a une satisfaction que le langage réserve à l’observateur, satisfaction d’autant plus vive qu’elle aura été moins cherchée : c’est de sentir, en parlant, quelque métaphore dont la valeur n’avait pas été comprise jusque-là, s’ouvrir et s’illuminer subitement. Nous constatons alors un secret accord entre notre propre pensée et le vieil héritage de la parole.

Aucun chapitre ne montre aussi bien le pouvoir que, même aujourd’hui, avec nos langues depuis

  1. Combien d’expressions ne devons-nous pas au théâtre ! Jouer un rôle dans une affaire, faire une scène à quelqu’un, une personne qui se tient dans la coulisse, un drame qui s’est passé hier, un changement à vue, un personnage muet, etc. Ce nom même de personnepersona, — que Cicéron employait déjà comme nous, est un mot de théâtre, puisqu’il signifie « masque ».