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COMMENT S’EST FIXÉ LE SENS DES MOTS.

pour retrouver les traces de cette ancienne acception : on la voit transparaître dans Aberwitz, Vorwitz, Wahnwitz, et dans le verbe witzigen, « rendre sage ». Ici encore l’anglais est resté plus archaïque : wit, « l’intelligence ».

La cause de ces restrictions peut chaque fois fournir la matière d’une recherche intéressante. C’est quelquefois un synonyme qui prend de l’extension et qui resserre d’autant le domaine de son collègue. D’autres fois c’est un événement historique qui vient modifier et renouveler le vocabulaire. Ainsi le mot Busse, qui voulait dire « réparation » (soit au propre, soit au figuré), a pris, avec le christianisme, le sens de « pénitence » : une fois le sceau religieux imprimé, tous les autres emplois sont tombés en désuétude[1].


Outre les restrictions de sens dont la langue porte l’évident et permanent témoignage, il se fait, dans le parler de chacun, de perpétuelles applications du même principe, mais qui ne laissent pas de trace durable, parce qu’elles varient selon le temps et le lieu. « Aller à la ville » est une phrase familière à tous les campagnards, mais qui, tout en restant la même, doit se traduire, selon la région, par un nom

  1. On dit cependant Lückenbüsser, « bouche-trou ». Il existe à Breslau une Altbüsserstrasse, « rue des savetiers ». Cauer, Programme du gymnase de Hamm, 1870.