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COMMENT S’EST FIXÉ LE SENS DES MOTS.

il en est sorti un sens spécial qui a passé aux dérivés adulterium et adulter.


On doit voir combien il est nécessaire que notre connaissance d’une langue soit étayée sur l’histoire. L’histoire peut seule donner aux mots le degré de précision dont nous avons besoin pour les bien comprendre. Supposons, par exemple, que pour connaître les magistratures romaines nous n’ayons d’autre secours que l’étymologie. Nous aurons : ceux qui siègent ensemble (consules), celui qui marche en avant (prætor), l’homme de la tribu (tribunus), et ainsi de suite. Ces mots ne s’éclairent, ne prennent un sens précis, que grâce au souvenir que nous en avons, pour les avoir vus dans les récits des historiens, dans les discours des orateurs, dans les formules des magistrats. En même temps que l’histoire explique ces mots, elle y fait entrer une quantité de notions accessoires qui ne sont pas exprimées. Elle agit à la façon d’un verre, qui, en resserrant les images, les rend plus nettes. Mais il y a cette différence que le meilleur microscope ne nous peut faire voir autre chose dans les objets que ce qui s’y trouve, au lieu que nous croyons sentir dans des mots comme tribunus, consul, quantité d’idées qui n’y sont pas, et qui se trouvent seulement dans notre souvenir.