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CHAPITRE X

LA RESTRICTION DU SENS

Pourquoi les mots sont nécessairement disproportionnés aux choses.
Comment l’esprit redresse cette disproportion.

Un fait qui domine toute la matière, c’est que nos langues, par une nécessité dont on verra les raisons, sont condamnées à un perpétuel manque de proportion entre le mot et la chose. L’expression est tantôt trop large, tantôt trop étroite. Nous ne nous apercevons pas de ce défaut de justesse, parce que l’expression, pour celui qui parle, se proportionne d’elle-même à la chose, grâce à l’ensemble des circonstances, grâce au lieu, au moment, à l’intention visible du discours, et parce que chez l’auditeur, qui est de moitié dans tout langage, l’attention, allant droit à la pensée, sans s’arrêter à la portée littérale du mot, la restreint ou l’étend selon l’intention de celui qui parle.

Les faits de restriction étant les plus fréquents, nous les examinerons d’abord.