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LES LOIS INTELLECTUELLES DU LANGAGE.

Quand la langue dispose de deux termes corrélatifs, comme πόσος, τόσος, ποῖος, τοῖος, comme quantus, tantus, qualis, talis, la suppression de l’un doit avoir pour effet de changer le sens du survivant. C’est ce qui est arrivé en latin pour tōtus, qui supposait un corrélatif quotus[1]. On a dû dire d’abord : tota terra, quota est. On voit comment la langue latine s’est donné, par voie de suppression, un mot signifiant « tout ». Pareille chose s’est passée en grec. À πᾶς devait d’abord répondre un pronom τᾶς. Ces sortes de suppressions ne sont pas des pertes : au contraire, la langue y gagne en rapidité et en énergie.


On peut juger les langues par ce qu’elles passent sous silence aussi bien que par ce qu’elles expriment. En observant d’autres familles, on voit que ceux qui ont jeté les bases de la grammaire indo-européenne ont été relativement modérés. La déclinaison paraît n’avoir jamais eu qu’un nombre de cas assez limité. La conjugaison, plus exubérante, n’a cependant pas atteint les développements que nous trouvons ailleurs. Elle ne marque pas le genre ; elle ne fait pas la distinction de l’action momentanée et de l’action continue ; elle s’est gardée des vaines distinctions

  1. Ne pas confondre avec quŏtus, qui est un dérivé du nom de nombre quŏt.