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LES LOIS INTELLECTUELLES DU LANGAGE.

Comme l’infinitif, le passif est du nombre de ces moyens d’expression qu’on est tenté de croire beaucoup plus anciens qu’ils ne sont en effet.

Sylvestre de Sacy, qui a écrit pour l’usage de ses enfants des Principes de grammaire générale, présente le passif comme l’une des deux formes nécessaires du verbe. Il en donne trois raisons. Le passif est nécessaire : 1o quand on veut exprimer une action sans nommer le sujet agissant : « Je suis affligé » ; 2o quand on veut plutôt faire ressortir l’objet qui souffre l’action que le sujet qui la fait : « L’empire romain fut fondé par Auguste » ; 3o pour varier le discours et empêcher la monotonie.

Un linguiste d’une école différente, mais trop enclin de son côté aux théories, Hartung[1], explique l’actif et le passif en les réduisant à des directions dans l’espace. L’actif répond à la question quo (d’où l’accusatif) ; le passif répond à la question unde (d’où l’ablatif ou le génitif).

Il est inutile de montrer ce que ces explications ont d’artificiel. Le passif n’est pas une forme ancienne : on peut le deviner rien qu’à voir combien diffèrent, quant aux désinences, φέρομαι et feror. Le passif est une forme que les diverses langues indo-européennes se sont donnée après coup, longtemps après que le système de leur conjugaison fut achevé

  1. Encyclopédie d’Ersch et Gruber, III, t. XIII, p. 172.