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ACQUISITIONS NOUVELLES.

remarquer que l’absence de l’infinitif est surtout devenue une lacune douloureuse le jour où le néo-grec, se retrouvant en présence des autres langues de l’Europe moderne, a senti le besoin d’en égaler les ressources de syntaxe. Il faut croire que ni les liturgies de l’Église, ni les chants populaires, en leur langage bref et simple, n’en avaient éprouvé le besoin. La locution θα (θέλει ἵνα) avec le subjonctif en tenait lieu. L’outil intellectuel se perd avec le non-usage : une forme trop rarement employée s’efface de la mémoire[1].

Par un étrange renversement des choses, on a cru autrefois que les verbes avaient débuté par l’infinitif. « Les hommes, dit un écrivain du commencement de ce siècle, les hommes ne s’expriment d’abord que d’une manière générale : et ce n’est que par la suite qu’ils en viennent à analyser, à particulariser chaque idée. À mesure que les langues atteignent à leur maturité, les formes infinitives disparaissent, mais avec une juste mesure : elles servent encore à donner de la variété au style, quoique déjà l’on s’aperçoive qu’elles deviennent moins fréquentes. » Il est impossible de fermer plus résolument les yeux à la vérité. L’infinitif résume des siècles d’efforts : il est la plus récente des formes verbales.

  1. On trouve déjà dans les Évangiles apocryphes : Θέλω ἵνα ἐπιβουλεύσωμεν. — Πρέπει ἵνα ἀποστείλωμεν.