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DE L’ANALOGIE.

admettre, dit Curtius, des formations analogiques pour des temps si reculés ?… Les formations analogiques ne me paraissent très vraisemblables que pour les périodes récentes… Ce n’est certainement pas un hasard que l’attention ait été d’abord appelée sur ces faits à l’occasion des langues modernes, particulièrement des langues romanes. »

Nous ne pouvons pas, sur ce point, être de l’avis du savant helléniste. Si l’attention a été d’abord appelée de ce côté à l’occasion des langues romanes, la raison en est que les langues romanes laissent voir à découvert leurs origines, avantage qui manque pour les époques anciennes. Mais les causes qui amènent les changements étant des causes inhérentes à l’esprit et imposées par les conditions de tout langage, il n’y a aucun motif pour croire qu’elles aient agi moins puissamment dans le passé.

Est-il vrai, comme on l’a dit encore, que l’analogie soit une force aveugle, allant jusqu’au bout sans se laisser arrêter par rien ?

Il est difficile de le croire quand, quittant la théorie, l’on se met en présence des faits. L’expérience prouve au contraire que l’analogie a des limites, lesquelles sont au moins aussi intéressantes à étudier que le phénomène lui-même. Des raisons de clarté ou d’harmonie suffisent pour la tenir en échec.

Une dernière question serait de savoir si l’ana-