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LES LOIS INTELLECTUELLES DU LANGAGE.

obscurément poursuivi. À qui étudie le verbe grec, il est impossible de méconnaître une intention de compléter les cadres : à côté de l’aoriste indicatif ἔλυσα l’on trouve un aoriste impératif λυσάτω, un aoriste optatif λύσαιμι, un aoriste participe λύσας. L’α qui se retrouve dans ces diverses formes en est comme la signature. L’intelligence des masses se montre ici par un de ses côtés les plus intéressants : elle vient à bout, par les moyens les plus simples, des difficultés qu’en toute espèce de métier ou d’art la matière oppose à l’ouvrier.


Par ce qui précède, on voit ce qu’il faut penser de l’Analogie. À considérer l’usage qui en est fait dans quelques livres récents, on la prendrait pour une grande éponge se promenant au hasard sur la grammaire, pour en brouiller et en mêler les formes, pour effacer sans motif les distinctions les plus légitimes et les plus utiles. Tel n’est pas son caractère : elle est, au contraire, au service de la raison, raison un peu courte, un peu dénuée de mémoire, mais qui n’en est pas moins le vrai et nécessaire moteur du langage.

Une question souvent discutée a été de savoir si « dans la jeunesse de nos langues » l’analogie avait autant de pouvoir qu’aujourd’hui. « Peut-on