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MADEMOISELLE CLOQUE

la maison et le voisinage sens dessus dessous.

Mlle Cloque rentrait de la messe du matin, et, après une de ces affreuses discussions chez le libraire qui s’accentuaient de jour en jour, elle avait justement appris, de sa marchande de fruits, en traversant les halles, que Loupaing ne cachait pas sa joie des ennuis de sa locataire. Il s’était vanté qu’aussitôt membre du conseil municipal il ferait gratter ou effacer toutes les croix qui offusquaient dans la rue l’œil du libre penseur, et interdire l’usage des cloches. En parlant de la vieille fille à qui il avait voué une haine de brute, il avait dit : « Je vas me payer quelque chose de rupin, ça sera de la voir crever de dépit sous mes yeux. » « Sous mes yeux ! répétait la marchande de la halle, c’est qu’il ne sait seulement pas compter, car il n’en a qu’un, le vilain monstre !… » Le bon mot avait couru tout le long de l’étal des fruits. Mlle Cloque était seule à ne l’avoir pas trouvé drôle.

— Allons, Mariette, dépêchez-vous de finir la chambre, c’est le jour de vos pauvres ; ils vont arriver avant le déjeuner.

— J’y vais, mademoiselle, j’y vais. Mais vous ne m’enlèverez pas de la caboche que c’est cette canaille-là qui vous jette un mauvais sort avec son œil… Lui et puis votre marquis, mademoiselle en pensera ce qu’elle voudra, mais en voilà assez pour nous faire damner, le temps de notre éternité.