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MADEMOISELLE CLOQUE

L’abbé Moisan était revenu quelque temps après en proposant un mariage avec un petit notaire « appartenant à une famille des plus honorables. »

— Comment voulez-vous, avait objecté Mlle Cloque, qu’il puisse être question de mariage dans l’état où elle est ? Laissons passer le temps.

Le temps avait passé non sans un accompagnement de cruautés nouvelles. Les disgrâces particulières de la tante avaient fourni une triste diversion aux souffrances de la nièce. C’était peut-être à l’excès même de leur détresse qu’elles devaient l’une et l’autre d’avoir supporté ces mois néfastes. Leurs infortunes les avaient rendues indulgentes à leurs plaintes réciproques, et finalement, il leur montait un farouche plaisir des pires sujets cent fois retouchés en commun, comme si la douleur humaine portait en soi son remède, et, ayant atteint les extrêmes limites, se pansait elle-même à l’aide de ses éclaboussures.

Un jour cependant, une pudeur avait clos les lèvres de la petite amoureuse, c’était lorsque l’annonce du mariage de Marie-Joseph avec Léopoldine était devenue officielle. Durant des semaines, on n’avait plus prononcé un seul nom pouvant rappeler de près ou de loin les deux familles parties momentanément pour Grenoble. Ce silence pesait autant à la tante qu’à la nièce, car Mlle Jouffroy, l’aînée, avait été récemment