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RÉUNION DE « ZÉLATRICES »

Tout à coup, Mme Bézu blêmit. Sa tête maigre et bilieuse trembla, et les arguments lui manquèrent. Le soulèvement en faveur des demoiselles Jouffroy n’indiquait-il pas une arrière-pensée politique, un complot organisé en vue d’opposer à sa candidature celle de l’une des deux sœurs ? Comment s’expliquer autrement cette entente chaleureuse en faveur de filles sottes qui, jusque-là, n’avaient guère fait parler d’elles ? Une telle conjuration, tramée dans l’ombre, la prenait au dépourvu. À quel philtre ces deux vieilles cruches avaient-elles eu recours pour se constituer une clientèle si disciplinée, et comment avaient-elles manœuvré pour que leur projet eût pu échapper à ses investigations ?

Mme Bézu rapprocha sa chaise de Mlle Cloque et résolut d’unir désespérément ses propres forces à celles dont pouvait encore disposer sa rivale.

C’était un baiser de Judas, impudent et malhabile : la suite du panégyrique. On n’en fut point dupe. Cette outrecuidance, au contraire, excita les ennemies de Mme Bézu, tout en favorisant les intentions de la plupart. Mais Mlle Cloque, toujours fascinée avant tout par les principes, et jugeant que Mme Bézu avait raison dans la circonstance, donna tête baissée dans le piège.

— Je suis fière, dit Mme Bézu, en prenant la main de sa voisine, de pouvoir, dans ces malheureuses dissensions, tendre la main à notre digne présidente. Je savais bien, en parlant