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MADEMOISELLE CLOQUE

se penchaient de chaque côté du conseiller, pour le calmer.

— Mademoiselle est plus savante que nous autres, vois-tu bien ! faut pas lui en vouloir de ce qu’elle sait parler… Faites donc pas attention, mademoiselle Cloque, il est un peu butor : c’est l’honneur qui le rend injuste…

Il roulait un œil furieux, en cherchant que dire ; il allongea le bras vers le billet et la monnaie d’or restés sur la table, et les attira à lui ; il les couvrit de ses deux mains arrondies comme s’il les y chauffait. Et il sembla que la chaleur de ce petit brasier montât dissiper l’hébétude de sa demi-ivresse. Il eut l’air de se raccrocher tout à coup à une idée perdue. Le plâtrier lui lançait des regards à la fois timides et brûlants ; les deux femmes d’ailleurs insistaient :

— Tu oublies donc ce que tu sais bien ! voyons Loupaing !

Il n’abandonna point toutefois son air farouche ; il recogna sur la table :

— Nom de D… ! s’écria-t-il, en regardant Mlle Cloque qui attendait tranquillement sa quittance : mais c’est qu’elle n’a pas peur !…

— Il n’y a que les méchants qui aient peur, monsieur Loupaing ; il arrive souvent malheur aux honnêtes gens, c’est vrai, mais ils ne le craignent point.

— Eh bien ! sacré nom ! on s’aperçoit que vous êtes de la vieille garde, vous ! J’en connais