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MADEMOISELLE CLOQUE

la tante de vivre par l’imagination. Mais précisément une des surprises de Mlle Cloque était de découvrir chez Geneviève une nature très positive, très calme, très raisonnable. Elle lui avait dit à plusieurs reprises, en souriant : « Toi, tu n’es pas de la famille ! Nous n’avons jamais eu tant de bon sens ! » Quant à aller fouiller dans les pupitres, il fallait que le docteur la connût bien peu pour croire qu’elle consentirait à commettre un indélicatesse de cette taille !

— Ce malheureux docteur aura beau faire, dit-elle en bordant le lit, il restera toujours un vrai paysan du Danube.

— Il est amusant, dit Geneviève ; il ne fait pas peur.

— Il n’est peut-être bien pas si fort, après tout !… Il n’a rien ordonné ; il dit qu’il faut que tu manges et que tu t’amuses… Si tu es encore faiblotte ce soir, je t’appliquerai sur les tempes une petite compresse d’électricité rouge.

Et elle laissa la jeune fille en refermant doucement la porte de cette chambre grise où la lampe à abat-jour opaque ne répandait qu’un cône de lumière sur le pied du lit, sur la petite table au pupitre et sur une chaise garnie d’effets ; au plafond le halo sautillait, donnant l’illusion de nuages fumeux et éphémères ou dansant en sarabande ; sur l’oreiller, dans la pénombre, penchait la tête gracieuse de Geneviève, et sous le