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MADEMOISELLE CLOQUE

qu’elle se trouva réellement seule dans cette chambre triste et silencieuse, qu’un second mouvement d’angoisse étreignit ce cœur de dix-sept ans ouvert à toutes les ardeurs et cultivé pour la tendresse par une éducation religieuse surchauffée. Elle ne pouvait plus se sentir seule. Elle appela :

— Tante ! Tante ! non, reviens, tu m’aideras…

Mlle Cloque avait eu le temps de passer dans sa chambre séparée de celle de Geneviève par la longueur d’un couloir ; elle n’entendit pas. Alors la jeune fille se ravisa à la pensée que sa tante se moquerait d’elle, car elle était sévère pour les caprices et n’admettait pas que l’on changeât d’idée.

Affalée sur la chaise longue et livrée à elle-même, ce qui n’arrivait jamais au couvent, elle s’abandonna à la rêverie, tout en enlevant son corsage. La figure de Marie-Joseph passait et repassait à ses yeux. Et, plus encore par un pressentiment de femme que par raison, elle avait l’impression, que quelque chose de mauvais s’était produit. Aussitôt, elle joignit les mains, leva les yeux sur le crucifix, posé au chevet de son lit, et dit : « Mon Dieu ! mon Dieu ! éloignez de moi le malheur ! » Sa piété était si naïve et si vraie qu’elle ne douta pas que Dieu ne fût touché par son grand désir, et elle se releva, presque rassurée. Les images qu’elle avait coutume de caresser dans ses moments heureux de confiance se représentèrent à son esprit.