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MADEMOISELLE CLOQUE

porter sur l’apparence, même de l’incessant miracle. Et il lui arrivait de les sentir se mouiller d’admiration et d’étonnement, à cause d’une si grande chose, si proche d’elle. Même dans les moments de ses pires détresses, quand elle venait tomber là pour prendre le ciel à témoin de sa douleur, si elle se rendait compte de la présence de Dieu, elle demeurait bouleversée et ne savait que dire : « Mon Dieu, je vous remercie ! »

Il y avait à l’harmonium invisible, là-haut dans la tribune, une sœur d’un très beau talent et dont la voix était délicieuse. M. Houblon disait d’elle : « C’est une sainte Cécile. » Et en effet, il est rare qu’une voix humaine vous commu­nique une impression religieuse aussi vive que le faisait l’organe de cette blanche recluse. La divine passion qui l’animait et la candeur du sen­timent d’amour qu’elle répandait dans cette petite nef communiquaient aux pieuses filles réunies là un avant-goût du ciel. Un jour, la sœur s’était interrompue de chanter, au beau milieu d’une bénédiction. Elle était tombée évanouie, au bas de l’harmonium. On avait mis vingt minutes à la ranimer. Elle avait dit, en se réveillant, qu’elle avait vu les anges. On n’en était pas étonné ; on s’attendait à ce qu’elle fût quelque jour ravie en Dieu.

Le doux ébranlement de ce miracle possible donnait une solennité particulière aux cérémonies de la chapelle de l’Adoration. Ah ! comme