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LES BAINS DE BADE

Il est charmant au possible. Figurez-vous, rangés en cercle sur des tréteaux, en guise de comédiens, une cinquantaine de Badois bedonnants, bouffis et couperosés, l’air jovial et la langue alerte, et jurant le plus solennellement du monde de ne point parler que conformément à la Vérité ! Frère Jérôme les préside. C’est un homme sec et haut ; il a de la beauté ; il ne se départit point de son sérieux ; mais son esprit est pauvre ; et il paraît convaincu.

Un à un, et selon une méthode que monsieur Gerson critiquait déjà sur ses tablettes, il presse de questions ces hauts seigneurs. Il n’y a presque point de réponse qui ne soulève les exclamations de l’assistance ; et, bien que l’on soit formé, dans ce lieu, à l’audition de choses extrêmement fortes, il semble, à chaque fois qu’un de ces gros Badois ouvre la bouche, que l’on n’a encore rien ouï d’approchant ; ce qui est une erreur comparable à celle que nous font commettre souvent nos sens en faveur de l’objet contemplé le plus nouvellement.