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sur un arbre élevé, où l’on aurait moins de risques d’être atteint et plus de chances de voir Ninon. Le chevalier grimpa dans un haut pin et, pour la première fois depuis le jour fatal où il avait vu Ninon à demi nue sur son lit, il la vit, de très loin, c’est vrai, mais enfin il la vit. Et il fut tout à coup plus pâle que s’il avait reçu la blessure dont souffrait Cornebille, et il faillit tomber de son arbre. Cornebille qui, lui, était sur un chêne plus touffu et qui n’avait point vu Ninon, lui demanda ce qu’il avait. Mais Dieutegard ne le lui dit pas, afin de savourer davantage, en lui-même, sa douleur ou sa joie. Comme il ne soufflait mot, Cornebille cessa de lui parler, et le chevalier demeura sur sa branche, bouleversé par une bien grande émotion. Son cœur faisait le bruit d’une écolière en retard qui court en sabots sur la route, et le vent, dans le feuillage du pin, jouait de la harpe : grave, enivrante musique.

Le chevalier n’avait vu Ninon qu’un instant !… Mais il peut se faire qu’un être qui passe entre deux troncs d’arbres, et qui est aperçu de loin, soit cause que le sang s’arrête dans les veines d’un homme. Aussi, pour si