Page:Boylesve - Lecon d amour dans un parc.djvu/251

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faire porter plus de fruits, l’abbé Puce était décidé à confier la parole à un certain moine notable de l’abbaye de Ligugé, en Poitou, qui, par hasard, se trouvait présentement à Saumur. Ninon accepta tout ce qui faisait plaisir au bon curé.

On vit bientôt se présenter au château un noir bénédictin aux yeux de braise ardente. Son froc était râpé, ses poignets crasseux, ses pieds crottés jusqu’au delà des chevilles ; à sa taille était noué un cuir gras dont les bouts superflus ballaient devant les jambes en lanières menaçantes. Un poil nombreux lui gazonnait les oreilles, et sa figure osseuse et blême était sillonnée de rides profondes imitant le dessin des fleuves et canaux sur une carte de Hollande. Il n’avait point de dents : quand il fermait la bouche, de molles membranes se pliaient, des narines au menton, comme les flancs d’un soufflet. Quand il ouvrait la bouche, sa parole surprenante semblait articulée par quelqu’un stagnant au fond d’une caverne obscure, tels on imagine les vagissements d’outre-tombe ; aussi la moindre chose qu’il disait produisait-elle une grande épouvante.

Il parla dans le petit oratoire, en présence