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siens. « Voyez-vous ça ! continua-t-il, avec cette fatuité dont les hommes se départissent rarement, en présence du plus maigre encouragement féminin, vous vous dites, mademoiselle, que je suis un fêtard ni trop décati, ni trop bête, et qui mélangerait volontiers au plaisir qu’il goûte avec une belle maîtresse, celui d’un flirt un peu hardi avec une fraîche peau blonde !… Ah ! ah !… Votre sœur songe à vous marier, vous n’y voyez pas d’inconvénient, quant à vous ; mais vous n’avez pas tant d’exigence !… Attends un peu ! ma petite ! »

Ils avaient fait plusieurs tours de valse en silence. Il remarqua qu’elle était fort légère et dansait admirablement. Elle avait un parfum délicat. Son bras qu’il soutenait de la main, avait une forme exquise ; et, comme elle était dégantée, la finesse de sa main le frappa particulièrement. « Mon vieux ! fit-il à part lui, tu n’as jamais eu moins de veine que de te trouver éperdûment amoureux juste au moment où une petite caille aussi douillette te tombe dans le bec ; quelle délicieuse aubaine tu vas rater là ! »

— Comme vous semblez être aimée de madame votre sœur, mademoiselle ! Et je suis sûr que vous êtes son amie, au moins autant ! Je parierais que vous avez les mêmes goûts !

— …Mon Dieu ! monsieur !…

À part lui : « Mon Dieu, monsieur ! ça veut dire que tu t’en moques des goûts de ta sœur, comme ta sœur le fait elle-même, en son for intérieur ! Tu ne sais pas plus qu’elle quels sont tes goûts, ni même si tu en as. Seulement tu le fais moins à la pose que ta godiche de sœur ; tu ne tiens pas à avoir des goûts. Bon ! bon ! laissons ça !… »

— Madame de Chandoyseau nous a tous séduits ici, mademoiselle, c’est une femme de l’esprit le plus char-