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il n’eût pas passé subrepticement, en sortant de table, le petit « Testament » de poche, à reliure molle.

— Cette pays, dit le clergyman, est maôvaise.

— Allons donc, mon révérend, vous voulez rire ! vous vous portez, je pense, aussi bien que moi, et tout le monde a bonne mine autour de nous. Est-ce que par hasard mistress Lovely ?

— Nô, il ne s’agit pas de mistress Lovely, qui a le vieil âge et qui a fini d’être troublée. Mais tout le monde n’est pas ainsi, et véritablement, le climat de cette pays est maôvaise pour les âmes…

— Mais il me semble, au contraire, que la beauté y abonde, et elle est, si je ne me trompe, un des attributs de Dieu ?

— Nô, dit le clergyman en sautillant dans l’eau, cette biauté ne vaut rien du toute véritablement, elle est perfide, et je pense qu’elle vient du Malin !…

Le jeune homme dissimula un besoin irrévérencieux de sourire, en faisant un plongeon, et revint se mettre à la disposition de son prédicant qui avait monté l’échelle et s’essuyait posément, assis sur le sable, au soleil.

— Le Malin ? dit Gabriel.

— Je nommé ainsi, avec familiarité, le Démon, monsieur Dompierre ; véritablement il faut trembler quand il prend le figuioure aimèble !…

— Si vous voyez le Malin sous les choses aimables, je suis inquiet, en effet, pour plusieurs personnes et pour vous-même, mon révérend ! Le Malin vous a touché, je vous en préviens, je le vois qui vous touche, puisque j’ai du plaisir en votre compagnie… Et, entre nous, je ne sais ce qui me retient de vous dire le nom de quelqu’un qui me confessa que votre présence lui était un objet de délectation…