Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mon cœur que cette petite, elle aussi, ne fût personne !… Alors tout ça me met la tête à l’envers.

Ah ! ça, mais, dites donc ! ajouta-t-il avec l’acharnement, que l’on met dans ces cas de suggestion volontaire, d’où est-ce qu’elle est tombée, à propos, cette Solweg ? Elle vient comme cela de Paris, toute seule, comme un jeune homme, en voilà des façons !…

— Mais non ! mais non ! vous n’avez donc pas entendu que Madame de Chandoyseau nous expliquait les circonstances de l’arrivée de sa sœur ?

— J’avoue que je n’ai pas entendu : au bout d’une minute du verbiage de cette femme là, je ne perçois plus rien de rien.

— C’est quelquefois dommage ; cette fois-ci, en tous cas, cela vous eût épargné un jugement téméraire à l’encontre de cette jeune fille qui m’intéresse, je l’avoue, je ne sais pourquoi. Madame de Chandoyseau nous a dit que son frère, vous savez, le peintre Antonius Plaisant…

— Comment, Antonius Plaisant est le frère de Madame de Chandoyseau ?

— Mais, mon ami, vous tombez de la lune ! vous n’écoutez jamais Madame de Chandoyseau, même pas la première minute, car elle nous a parlé maintes fois de son célèbre frère. Enfin, Antonius Plaisant chez qui Solweg était demeurée à Paris, pendant le voyage de sa sœur, ayant été appelé soudainement à Venise, comme arbitre, pour une question de médaille à décerner dans je ne sais quel concours de peinture, et sachant que les Chandoyseau étaient pour plusieurs semaines au lac Majeur, a amené sa petite sœur jusqu’à Milan, d’où il l’a expédiée à Stresa ce matin, en compagnie de la femme de chambre de Madame de Chandoyseau qui était restée au service de Solweg.