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Lee prononçait à demi-voix des exclamations. Tout à coup, il se leva, et l’on crut qu’il allait embrasser cette jolie fille, dans l’exaltation de son enthousiasme. Mais sa froideur britannique ou une certaine timidité l’interrompirent dans son élan, et, arrivé près de Carlotta, il dit simplement qu’il voulait boire un verre d’eau. Carlotta passa de l’eau dans le verre et s’apprêtait à l’essuyer.

— Non, non ! dit-elle, je veux boire après toi seulement.

Le gars sombre se dressa tout à coup comme s’il voulait s’opposer à toute tentative de galanterie.

— Paolo ! dit-elle, en lui donnant un soufflet vigoureux qui ne fit rire que les étrangers. Puis elle porta le verre d’eau à ses lèvres, et le tendit au poète qui le but pieusement.

— Bravo ! bravissimo ! s’écria de loin une voix bien connue.

C’était Mme de Chandoyseau, arrivant au milieu du groupe des touristes allemands, et flanquée de son mari et de l’énigmatique Solweg.

Enthousiasmée à son tour de l’action galante du poète, elle reproduisait le geste qu’il avait en buvant ; et elle dit qu’elle voulait boire après lui.

— Herminie !… voyons, ma chère Herminie, faisait M. de Chandoyseau en s’épongeant le front ruisselant, à l’aide d’un petit mouchoir de soie bleue.

— Mon ami, répondait Herminie, je vous dis que cet homme-là est divin !

Mais déjà elle oubliait de boire et se précipitait du côté des dessins.

Elle faillit se pâmer dès qu’elle les aperçut. Elle les tenait à la main, les tournait, les retournait dans tous les sens, et poussait de petits gloussements de béatitude. Lee s’approcha et s’aperçut qu’elle les re-