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espoir du péché qui était son seul soutien, dans son grand désarroi moral. Ainsi donc, il n’assouvirait pas les pauvres désirs accumulés durant une longue vie de probité et de vertu ; ce serait en vain qu’il aurait secoué ces temps-ci les remontrances de sa conscience et causé la détresse de sa digne femme ! On s’était joué de lui comme d’un pantin, pendant qu’il exposait, lui, brave homme, toute l’honorabilité de sa vie, et sa part de ciel, que sa foi lui montrait compromise. Et, du même coup, on lui montrait qu’il était beaucoup plus coupable qu’il ne l’eût cru, car il avait trempé dans les plus honteuses calomnies. Ne devait-il pas se révolter et souffleter cette poupée, cet article de bazar de Paris qui était la cause d’un tel désordre ?

Il leva sur elle ses yeux où la passion tardive avait fait surnager une grande tendresse enfantine curieusement mêlée à une affreuse servilité.

— Oh ! je sais, dit-il, que vous êtes une femme excellente ; c’est moi qui ai été le coupable, et je vous en demande pardon…

— Mais, que faut-il faire ? dit Mme de Chandoyseau qui n’avait que cette idée en tête.

Il lui dit, avec son accent comique qui donnait une étrange saveur à ses paroles sérieuses, qu’il revendiquerait lui-même la responsabilité de tout ce qui s’était fait. Il emploierait tout ce qui lui restait de forces à arracher la calomnie jusqu’en ses racines ; il avouerait qu’il s’était trompé : on attribuerait l’éclat donné à ces faux bruits à son excès de zèle… N’était-ce pas vraisemblable de la part d’un « pasteur protestant » ? dit-il en s’efforçant de sourire. Et ceux qui seraient tentés de croire que Mme de Chandoyseau avait été pour quelque chose dans ces affaires, apprendraient par lui-même qu’elle avait été abusée par l’influence d’un vieillard…