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— Rien ! Mais, mon bon monsieur Lovely, vous ne voyez donc pas plus loin que le bout de votre nez : Monsieur Dompierre a une liaison, une vraie, celle-là…

— Eh bien ! fit le clergyman.

— Eh bien ! cette liaison, je l’ai découverte au mari, entendez-vous bien ? Je ne sais trop ce qu’en pense celui-ci ; il affecte depuis lors d’être mieux que jamais avec l’amant de sa femme ; mais j’ai idée qu’il cache son jeu et qu’un de ces jours ces deux hommes-là vont se couper la gorge !

— Dieu tout-puissant !

— Vous voyez que Monsieur Dompierre est encore loin d’épouser ma petite sœur !… Ah ! ah ! dit-elle, je suis bien malheureuse, plaignez-moi, monsieur Lovely !

Elle avait pris les mains du vieillard ; elle les baisait, dans son besoin de trouver un appui, et elle pleurait très sincèrement.

— Voyez-vous, disait-elle, j’aime beaucoup ma petite sœur, je ne suis ni une mauvaise ni une malhonnête femme, monsieur Lovely. Non, non, il ne faut pas croire cela. J’ai été coquette, je sais bien… Oh ! si, si, j’ai été très coquette avec vous, c’est très vilain, ça a pu vous donner de fâcheuses idées sur mon compte, mais ça n’aurait pas été plus loin, croyez-le bien, je n’aurais pas permis ; je suis honnête et très fidèle à mon mari !…

Elle disait vrai, dans son réel affolement. Son étourderie naturelle lui faisait oublier qu’elle achevait de martyriser le malheureux vieillard, tout en essayant de se rehausser dans son esprit. Elle était une femme très honnête, elle n’avait jamais trompé son mari ; elle aimait beaucoup sa petite sœur ; mais elle faisait cent fois pis que si elle eût été méchante et malhonnête.

Le désespoir verdissait la figure du révérend Lovely. En l’espace d’une minute, il perdait jusqu’à ce dernier