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finitif, celui que le malheureux attendait avec une angélique patience et qui devait mettre un terme à son stage humiliant d’amoureux.

— Vous avez quelque chose à me dire ? répéta-t-il en tremblant.

— Oui, dit-elle, quelque chose de très grave. Mais je voudrais être bien à l’aise et vous entretenir seule à seul.

— Seule à seul ! dit-il, All right ! madame, il y a un moyen, venez !…

— Non ! non ! pas si loin, fit-elle, en comprenant l’heureuse angoisse qu’avait éprouvée le vieillard. Non, non, entrons, si vous voulez bien, au salon ; il n’y a personne.

Elle le prit par le bras et l’entraîna :

— Mon révérend, je suis la plus misérable des femmes !

— Pas encore ! fit le naïf soupirant.

— Si, si ! dit-elle, sans saisir la bévue ; je vous dis que je suis la plus misérable des femmes. Voulez-vous savoir ce que j’ai fait ?

— Ma chère amie ! s’écria-t-il en ouvrant des yeux pleins d’anxiété.

— Vous allez comprendre tout de suite : ma petite sœur aime quelqu’un…

— Il faut la mèrier !

— Justement. Mais j’ai rendu ce mariage impossible : Solweg aime Monsieur Gabriel Dompierre.

Le révérend fit sa grimace.

— Monsieur Dompierre n’est pas ce que vous croyez, mon révérend. C’est moi qui l’ai chargé du scandale de l’affaire Carlotta !

— Vous !

— Moi, dit-elle. Me trouvez-vous toujours jolie,