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vaincre la réserve du jeune homme, ce qui eût été de la bonne diplomatie : et, au fond, la guerre qu’elle lui avait déclarée venait plutôt de la jalousie qu’elle avait elle-même pour sa maîtresse que de la froideur qu’il avait manifestée pour Solweg.

Devant l’impossibilité de réparer ce qu’elle avait fait, elle avait tenté de détourner Solweg de son idée.

— Mais, ma pauvre enfant, tu ne sais pas, il faut te dire… Ce jeune homme a une conduite scandaleuse : il a une maîtresse…

— Je le sais.

— Ah ! Eh bien ! tu connais toi-même cette Carlotta ?

— Ce n’est pas Carlotta.

— Comment ! Mais alors tu sais tout ! Ah ! mon Dieu !

Elle s’était enfuie, de peur d’entendre dire à Solweg qu’elle savait bien plus encore, qu’elle savait qui contribuait à éloigner Dompierre chaque jour davantage, qu’elle savait même à qui elle devrait de ne pouvoir jamais l’épouser probablement.

Mme de Chandoyseau était aux abois, et ne savait à quel saint se vouer. À qui demander conseil ? Son mari ne comprenait pas ; et elle reconnut à ce moment-là, que parmi les innombrables personnes qui lui prodiguaient leur admiration et leur attachement, il ne s’en trouvait pas une qui fût son amie. À qui, d’ailleurs, eût-elle pu confier un cas comme le sien ?

Elle aperçut le clergyman et lui fit signe.

— Mon révérend ! mon révérend !

Le bonhomme se précipita, trop heureux qu’elle le désirât. Comme il allait ouvrir la bouche pour lui adresser quelque compliment :

— Chut ! fit-elle, j’ai quelque chose à vous dire.

Il espérait toujours qu’elle prononcerait le mot dé-