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plète discordance ni avec la beauté de la Florentine, ni avec le romanesque de la promenade improvisée, de la rencontre de la barque de fleurs et de la majesté grandiose du paysage sous la nuit. Carlotta avait passé à leur bord toute la flore des Borromées en échange des billets du poète. Ils lui dirent adieu et revinrent à Stresa au milieu de ce parterre odorant.

Quand Gabriel toucha la main que Mme Belvidera lui tendait, en lui disant au revoir avec une intonation déjà presque familière, il doutait de la réalité. Bien qu’il souffrît de la quitter déjà, il avait hâte de s’enfuir, de se retrouver seul, de se prendre la tête à deux mains et de se demander : « Voyons ! est-ce que je rêve ? est-il vrai que je l’ai vue, que je lui ai parlé, que j’ai tenu sa main dans la mienne ? »

La petite Luisa saisissait sa mère par la taille en lui disant de se baisser pour qu’elle lui parlât à l’oreille.

— Eh bien ! eh bien ! qu’est ce qu’il y a, ma mignonne ?

Mme Belvidera se pencha et sourit en recevant la confidence.

— Ah ! ah ! ah ! dit-elle, monsieur Dompierre, mademoiselle ma fille voudrait savoir votre petit nom parce qu’elle veut écrire dès ce soir à son papa qu’elle a enfin rencontré le jeune homme qui lui plaît !…

Luisa confuse se jetait dans les jambes de sa mère et devenait toute rose.

— Mademoiselle, fit Dompierre, je vous le dirai à vous toute seule, si vous voulez bien que je vous embrasse.

Et il souleva dans ses bras la charmante enfant qu’il embrassa sur les deux joues, beaucoup plus heureux et confus qu’elle-même.