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avait offusqué ses yeux de jeune fille. Ah ! ce n’est rien de se confesser à un prêtre ; ce n’est rien du tout ! Mais de faire seulement allusion, devant une enfant, à la chose qu’elle connaît, qu’elle a vue !… Et pourtant, c’était depuis longtemps pour elle un désir secret, un désir immense, insurmontable. Elle savait qu’elle le satisferait un jour. Quand et comment ? Elle ne l’avait même pas cherché. Mais elle savait bien que cela viendrait et qu’elle se débarrasserait de ce poids-là.

Elle hésitait, elle ne bougeait pas ; Solweg vit bien son trouble, mais elle devait avoir de la peine à le croire sincère. Elle ne savait que dire.

— Vous ! répéta-t-elle.

Mme Belvidera s’approcha d’elle et mit un genou sur un petit tabouret près de la chaise longue.

— Oh ! mademoiselle, vous avez toutes les raisons d’être étonnée, et vous en avez même de me trouver impudente à venir ainsi vous affirmer une amitié que vous… dédaignez peut-être…

— Mais non, madame ! dit Solweg avec politesse, je vous assure…

— Oh ! laissez-moi vous parler, je vous en prie ! je n’ai jamais pu le faire jusqu’à présent ; je n’ai jamais osé, après ce qui s’est passé, après… ce que vous savez !… Mais j’en mourais d’envie. Je vous ai aimée tout de suite ; je vous ai aimée pour vous, pour votre personne qui me plaisait, pour ce besoin d’affection dont votre jolie nature semblait privée, pour la tendresse que vous avez témoignée à ma fille, pour le silence forcé qu’il y avait entre nous… enfin, enfin, pour le… trouble, pour le scandale, que j’ai pu causer à vos yeux, à votre jeunesse, à votre cœur, mademoiselle…

Elle pleurait, il lui semblait que les mots qu’elle prononçait lui étaient arrachés avec des tenailles, et cela