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étaient rougis, et la petite Luisa avait raison de dire que la grande jeune fille pleurait plus qu’elle.

— Elle pleure de chagrin, dit M. Belvidera, d’être la sœur de Madame de Chandoyseau. C’est une petite qu’il faut plaindre. Dites donc, ajouta-t-il, en se retournant vers Dompierre, tout ce monde-là m’ennuie énormément aujourd’hui ; voulez-vous que nous allions déjeuner à Menaggio, là-bas en face ? nous y passerons tranquillement l’après-midi. Je vais dire à ma femme de se préparer dès qu’elle aura essuyé les larmes de Mademoiselle Solweg…

Ce qu’il proposait à Dompierre, c’était le premier acte de son nouveau supplice ; c’était le rapprochement, la liaison plus intime que jamais des deux amants sous l’étreinte plus que jamais amicale du mari, étreinte d’une amitié telle, avait-il dit, « que personne ne vous puisse croire, ma femme ni vous, capables de la trahir ». Le jeune homme ne pouvait s’y soustraire ; il contraignit un involontaire mouvement de retrait, presque de supplication, de demande de grâce. Mais, d’ailleurs, il venait d’être si rudement secoué par l’événement de la matinée que souffrir à vif tout le long du jour lui semblait préférable au désespoir languide qu’il eût traîné dans la solitude.

— Très volontiers ! très volontiers ! dit-il.