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Dès qu’on la tint et la caressa, ses sanglots redoublèrent. Enfin, quand elle put parler :

— On m’a dit de m’en aller ! dit-elle.

— Qui est-ce qui t’a dit de t’en aller ?

— Maman et Solweg m’ont dit d’aller jouer.

— Mais, si on t’a dit d’aller jouer, il n’y a pas de quoi pleurer !

— Oh ! dit-elle, je sais bien ce que ça veut dire. C’est très désagréable ; ça m’arrive toutes les fois qu’on veut parler sérieusement. Je ne suis pas assez grande.

— Mais, ma petite Luisa, à mesure que tu seras plus grande, tes désagréments le seront aussi !

— Je le sais bien, puisque Solweg, qui est une grande jeune fille, pleure plus que moi. On est malheureux tant qu’on n’est pas marié. Mais au moins, quand on est grande, on n’est plus vexée…

— Luisa, est-ce que ta maman va bientôt descendre ?

— Puisque je t’ai dit qu’elle dit des choses sérieuses avec Solweg ; il doit y en avoir pour longtemps.

— Mais non, petite Luisa, c’est ce qu’on a le plus tôt fait de dire.

— Tenez ! dit l’enfant, on les voit d’ici, elles n’ont pas l’air d’avoir fini !

Ces messieurs levèrent les yeux et aperçurent en effet, à une fenêtre du second étage, la tête de Mme Belvidera. La jeune femme semblait parler avec une grande animation. On ne voyait pas Solweg. Les persiennes étaient ouvertes ; un vase de fleurs avait été déposé sur l’appui de la fenêtre, sans doute de peur d’incommoder la malade.

M. Belvidera mit ses mains en cornet sur sa bouche et adressa à sa femme un appel familier.

Elle tourna la tête vivement, et en même temps on vit se hausser la figure blonde de Solweg. Ses yeux