il fit signe à sa femme de ne pas les interrompre, et, se souvenant que Luisa l’avait prié de s’éloigner parce qu’elle avait à parler à M. Dompierre, il lui dit de loin, sur le ton d’une riposte amicale :
— Non ! non ! laissez-nous ! je suis en confidence avec Madame de Chandoyseau et le révérend Lovely !
— Puisque c’est ainsi, dit Mme de Chandoyseau à Mme Belvidera, voulez-vous faire à la pauvre Solweg le plaisir de monter la voir ? Vous la rendrez bien heureuse ; elle va mieux !
— Volontiers, fit Mme Belvidera.
Dompierre tourna sur ses talons.
Le révérend était tout heureux de voir que pour une fois, Mme de Chandoyseau buvait avec avidité ses paroles.
— On dit, poursuivit-il, que Monsieur Dompierre aurait monté dans le barque hier, au milieu de la tempête, et aurait fait le passage de Cadenabbia, au risque de se noyer.
— Et qui dites-vous, aurait tenu la gageure contre lui ? interrogea vivement M. Belvidera.
— C’est la pécheresse, Monsieur, n’en doutez pas, c’est la Carlotta !
M. Belvidera observait le visage de Mme de Chandoyseau, qui ne protesta que par un très vif étonnement. Elle était stupéfaite de la tournure que prenaient les choses ; elle savait l’équipée de Dompierre à Cadenabbia, qu’elle avait causée elle-même en excitant la jalousie de l’amant de Mme Belvidera ; mais elle ne s’attendait pas vraiment à l’interprétation qu’en donnait l’opinion publique. Tout contribuait à affermir l’idylle de Carlotta et de Dompierre, qu’elle avait elle-même répandue il n’y avait pas vingt-quatre heures.
« Mais, faillit ajouter M. Belvidera, M. Dompierre