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le bleu pâle des montagnes lointaines et regardaient fixement les étrangers. Elle avait le cou libre et les bras. À l’avant comme à l’arrière, les roses, les lourdes branches de lauriers fleuris, les camélias, les tubéreuses couvraient l’embarcation. C’était une rencontre si étonnante, si étrange, qu’ils abordèrent tous cette jolie fille presque avec respect, et eurent une certaine gêne à lui adresser la parole, comme à la présence soudaine d’un génie ou d’une fée dans un rêve.

Pourtant, ils lui firent quelques questions sur son beau métier de marchande de fleurs des Borromées. Elle leur dit de sa voix musicale le plaisir qu’elle avait à ces courses nocturnes sur le lac, avec ses provisions embaumées.

— Et vous allez, comme cela, toujours seule ?

Elle répondit simplement :

— Je chante !

— On dit que vous êtes la plus belle du pays, Carlotta !

Elle sourit, heureuse, et, sans fausse pudeur :

— On le dit, répéta-t-elle.

— Et savez-vous que c’est ici le plus beau pays du monde ?

— Bien sûr ! Signore.

— En connaissez-vous, d’autres, Carlotta ?

— Non, Signore.

Ce bonheur et cette simplicité les faisaient frissonner. Ils voulaient acheter toutes les fleurs. Carlotta fit des difficultés à cause de la vente du lendemain qu’elle ne pouvait manquer.

— Qu’est-ce qui vous arriverait, Carlotta, si vous manquiez votre vente ?

— Je serais battue.

— Par qui donc ?