Page:Boylesve - Le Parfum des îles Borromées, 1902.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

répandu ce bruit faux que tel autre dont vous eussiez pu souffrir, Luisa !…

— Oh ! l’un n’empêchera pas l’autre, allez ! chaque chose en son temps ! Cela dépend de l’heure de ses intérêts ; elle manœuvre en ce moment-ci avec une impétuosité et une hâte qui me font craindre toutes sortes de choses avant que cette saison ne soit terminée.

— Je ne vois pas bien son but.

— Pour l’instant, c’est de vous brouiller avec moi. Notre bonheur de quelques semaines, trop mal dissimulé, probablement, l’a exaspérée. Pourtant ce racontar me semble maladroit ; il va à l’encontre des intentions que je la soupçonne de nourrir…

— Et qui sont ?…

— Enfant que vous êtes ! Mais d’ouvrir les yeux à mon mari ! Il n’y a que ce point-là d’intéressant pour elle ; c’est le plus sensible, celui où il y a le plus à faire souffrir !

— Croyez-vous que Monsieur Belvidera prêtera l’oreille à ce qu’elle dira ?

— Mon ami, personne n’a jamais dit à mon mari ce qu’elle lui dira. Je ne sais donc quelle sera la contenance de mon mari.

— Mais enfin, et comme vous le faisiez remarquer, ce n’est pas ce chemin-là qu’elle semble prendre : le bruit d’une liaison avec Carlotta serait au contraire une sauvegarde contre celui de mes relations avec vous.

— Évidemment ! évidemment ! mais elle est habile ; elle peut agir de biais et par les moyens les plus détournés ; en tous cas son but, croyez-moi, ne peut être autre que celui que je vous ai dit.

— Ah ! Luisa ! il faut éviter cela à tout prix. Je ne peux pas tolérer que votre mari ait un soupçon contre vous !…