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— Bien sûr, dit-elle. Et elle marcha devant, nullement incommodée par la petite scène de la place.

— Carlotta, cela ne vous fait rien qu’on s’occupe tant de vous ?

— Ah ! bien ! dit-elle, avec une pointe d’orgueil dans le regard, qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse ?

— Est-ce que ça vous serait agréable, par hasard ?

— Dame ! quand je suis bien habillée !

Ils avancèrent en silence dans les magnifiques allées montantes des jardins Serbelloni. Carlotta cherchait de droite et de gauche, si elle n’apercevrait pas sa sœur. Gabriel se proposait de passer la matinée sous les sapins à réfléchir à ses tristesses et aux projets virils qu’il avait arrêtés durant la nuit. Ils aperçurent le révérend Lovely qui, étant venu par un chemin moins compliqué, les avait devancés dans sa promenade matinale.

— Prenons donc une autre allée, dit Gabriel ; notre vue va faire faire la grimace à ce monsieur.

— C’est un curé ? dit Carlotta.

— Un curé anglais, oui, si vous voulez.

— Ne m’en parlez pas ! dit-elle avec un air de répugnance.

— Pourquoi donc ?

— On dit qu’ils sont mariés !

— Mais ! Carlotta, pour un curé anglais, ça ne fait rien….

Il allait tâcher d’expliquer à l’Italienne que le révérend pouvait être un très honnête homme, quoique mari de mistress Lovely, lorsqu’il se heurta à un coude de l’allée, avec M. et Mme Belvidera. Il expliqua par suite de quelles circonstances il se trouvait dans la compagnie de la Carlotta. Celle-ci continua son chemin sans saluer personne, selon ses habitudes de petit animal sauvage. Mme Belvidera prenait une figure décom-