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Elle répondit, d’un ton un peu bourru :

— Je vais voir ma sœur, si on me laisse passer.

— Et où habite-t-elle, votre sœur ?

— C’est la femme d’un jardinier à la villa Serbelloni.

— Voulez-vous que je vous aide à passer au milieu de tout ce monde ?

— Ça m’est égal, dit-elle, comme vous voudrez !

Pendant qu’il parlait à la jolie fille, Gabriel vit passer le révérend Lovely qui se détourna comme pour ne pas le reconnaître, et avec la mine qu’il adoptait chaque fois que la morale était froissée. « Tiens ! pensa-t-il, qu’est-ce qu’il prend à ce vieux fou ? »

— Venez, dit-il à Carlotta, je vais vous frayer un chemin.

— Bravo ! bravo ! entendit-il à quelques pas de lui.

C’était M. de Chandoyseau qui tapait dans ses mains en faisant de petits yeux malins où se lisait une indulgente complicité.

— Bravo ! bravo !… compliments ! ajoutait-il, tout en pressant le pas, comme pour n’être pas rejoint par le jeune homme.

Carlotta se tourna vers Gabriel avec une figure moins impassible.

— Ils croient, dit-elle, que vous me faites des galanteries.

— Allons donc !

— Dame ! dit-elle.

La curiosité augmentait évidemment depuis qu’il s’était approché de Carlotta. Il fut saisi d’un mouvement de colère contre cette babauderie stupide, et, empoignant la fille par le bras, il la poussa rapidement dans la première ruelle.

— On peut aller par là aux jardins Serbelloni, n’est-ce pas ?