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de sa part que de nouvelles blessures à son amour-propre et à son amour. Il sentait que c’était le début, pour l’un comme pour l’autre, d’une torture enivrante qui ne ferait que s’exaspérer, et dont les conséquences lui échappaient.

— Vous tenez à le savoir ? dit-elle.

— Oui ! oui !

— C’est absurde. Tant pis pour vous !… Il y avait dans le jardin d’une de mes tantes, sur le Pausilippe, un vieux chêne vert dans lequel on montait à peu près de la même façon, et où l’on avait la plus belle vue de Naples. Le soir de mes fiançailles avec Monsieur Belvidera, on nous laissa nous promener tous les deux, et nous montâmes par enfantillage dans l’escalier ménagé au cœur de l’arbre. Ce fut là qu’il me donna son premier baiser, et à ce moment, il me sembla que le monde entier était changé pour moi. Quand je relevai les yeux, je ne reconnus rien de ce que j’apercevais, ni la mer, ni le Vésuve, ni la longue ville étalée à nos pieds, sauf lui qui me soutenait la taille et me regardait. Il effaçait tout ; je ne voyais plus que lui… Oh ! mon ami, pourquoi me faites-vous dire cela ?

— Mais pourquoi, si souvent, m’avez-vous entraîné vous-même dans l’olivier ?

— Est-ce que je sais ?

— Vous vouliez vous faire souffrir à plaisir ?

— Mais non ! mais non ! C’était plus fort que moi ; je n’avais pas envie de souffrir, allez ! D’ailleurs, je n’ai fait la grimace qu’une fois, vous l’avez remarqué…

— Et à propos de quoi ?

— Parce que vous me disiez si exactement la même chose qu’il m’avait dite, que j’ai eu peur ; je me suis retournée ; j’ai cru qu’il était là.

— Mais vous êtes tombée dans mes bras un moment après, en pleurant. Et quand je vous ai parlé, vous